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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 32.djvu/481

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LE TAILLEUR DE PIERRE

me voulez donc pas de mal, que vous me donnez tout ce qui est à vous et que vous pleurez parce que je vais faire mon tour de France ?

» — Oh ! bien sûr, me dit-elle vivement ; mais j’ai cru que c’était vous, Claude, qui m’en vouliez, parce que vous ne me parliez plus de bonne grâce comme avant, et que vous me trouviez de trop à la maison. Si je vous évitais, c’est que je pensais que ma présence vous faisait peine.

» — Et moi je m’en allais parce que je croyais que vous aviez une rancune contre moi ; mais je vois bien à présent que c’était une idée, puisque mon premier pas hors du pays vous a fait lever si matin et vous a tant mouillé les yeux ! N’en parlons plus, Denise, lui dis-je en lui rattachant le collier autour du cou de mes deux mains toutes tremblantes. Je vais remonter et rependre mon sac au clou de la cheminée. »

» Elle tressauta sur ses deux pieds joints en battant ses deux mains en l’air l’une contre l’autre, et en souriant des lèvres pendant qu’elle pleurait encore des yeux. Dieu ! que nous étions contents de nous être expliqués ! Nous nous mîmes à remonter vers la hutte en parlant de choses et d’autres. Ma mère, qui s’était bien doutée de tout, sortit de derrière le buisson où elle s’était cachée avec sa petite. « Ton tour de France est donc fini, Claude, me dit-elle, mon pauvre enfant ! Tant mieux, va ! qu’est-ce que tu irais chercher de mieux au bout de la France ! Puisque vous vous aimiez, ne valait-il pas autant le dire tout de suite ? On vous aurait fiancés avant les foins. » À ces mots, Denise et moi nous devînmes tout rouges. « Nous nous aimions donc ? que nous dîmes tout bas sans paroles sur nos visages étonnés.

» — Eh ! oui, mes enfants, dit notre mère, comme si elle avait entendu ce que nous n’avions pas dit, vous vous aimiez depuis que le pommier a eu ses fleurs. Je l’ai