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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/184

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mon projet. Après avoir cherché à m’en détourner, en m’avertissant que les fatigues seraient grandes ; que j’aurais dix nuits de marche pénible ; qu’il faudrait nous cacher le jour afin de ne pas être vus en route ; que nous ne pourrions emporter avec nous que le strict nécessaire ; voyant que rien ne pouvait me faire reculer, il prit l’engagement de me servir de guide, moyennant une forte somme d’argent. Ayant communiqué mes projets à M. Lascaris, il me fit aussi des objections amicales sur les dangers auxquels je m’exposais, mais au fond cependant je vis qu’il était content de moi.

Nous arrangeâmes toutes nos affaires : je convins de lui écrire par le retour de mon conducteur dès que je serais parvenu chez le drayhy ; et la nuit était déjà fort avancée lorsque nous nous jetâmes sur nos lits. J’étais très-agité, mon sommeil s’en ressentit, et bientôt je réveillai M. Lascaris par mes cris. Je rêvais qu’étant au sommet d’un rocher escarpé, au pied duquel coulait un fleuve rapide que je ne pouvais franchir, je m’étais couché sur le bord du précipice, et que tout à coup un arbre avait pris racine dans ma bouche ; qu’il grandissait et étendait ses rameaux comme une tente de verdure ; mais en grandissant il me déchirait le gosier, et ses racines pénétraient dans mes entrailles, et je poussais des cris violents. Ayant raconté mon rêve à Scheik-Ibrahim, il en fut émerveillé et me dit qu’il était du meilleur augure, et qu’il m’annonçait un grand résultat après beaucoup de peine.

Il fallait que je me couvrisse de haillons, pour n’exciter ni les soupçons ni la cupidité, si nous venions à être aper-