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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/269

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lits que la terre, d’autre couverture que le ciel. Quelques haillons, suspendus çà et là sur des piquets, donnaient un peu d’ombre à ces malheureux, qui s’étaient dépouillés de leur unique vêtement pour se procurer ce faible abri contre l’ardeur du soleil, et qui gisaient le corps nu, exposés à la piqûre des insectes et aux pointes épineuses de la plante que broutent les chameaux. Plusieurs même n’avaient aucune défense contre la chaleur du jour et la fraîcheur de la nuit, dont le contraste est meurtrier dans cette saison, où l’hiver commençait à se faire sentir.

Jamais je n’avais eu l’idée d’une misère si complète. Ce triste spectacle me serra le cœur et m’arracha des larmes, et je fus quelque temps à me remettre du saisissement qu’il m’avait occasionné.

Le lendemain, Douackhry assembla les chefs et les vieillards ; ils étaient au nombre de cinq cents. Seul au milieu d’eux, je désespérai de m’en faire entendre, et surtout de pouvoir les réunir dans un même sentiment. Ces hommes de caractère et de mœurs indépendantes, aigris par le malheur, ouvraient tous des avis différents ; et si aucun n’espérait de faire prévaloir le sien, au moins tenait-il à honneur de le soutenir obstinément, laissant chacun libre d’en faire autant. Les uns voulaient aller au pays de Neggde ; d’autres, se retirer à Samarcande ; ceux-ci vociféraient des imprécations contre Abdallah, chef de l’armée des Wahabis ; ceux-là accusaient le drayhy de tous leurs maux.

Au milieu de ce conflit, je m’armai de courage, et cherchai à réfuter les uns et les autres. Je commençai d’abord