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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/173

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au-dessus du bruit de vos quatre cents tambours et de vos canons chargés de raisins. J’avais jusqu’ici médit de Votre Altesse plus que royale, sur le dire de Barnave, Lameth et Duport. C’est d’après eux que je vous dénonçais aux quatre-vingt-trois départements comme un ambitieux qui ne voulait que parader, un esclave de la cour pareil à ces maréchaux de la ligue à qui la révolte avait donné le bâton, et qui, se regardant comme bâtards, voulaient se faire légitimer. Mais voilà que tout à coup vous vous embrassez et que vous vous proclamez mutuellement pères de la patrie ! Vous dites à la nation : « Fiez-vous à nous. Nous sommes des Cincinnatus, des Washington, des Aristide. » Auquel croire de ces deux témoignages ? Peuple imbécile ! les Parisiens ressemblent à ces Athéniens à qui Démosthène disait : « Serez-vous toujours comme ces athlètes qui, frappés dans un endroit, y portent la main, frappés dans un autre, l’y portent encore, et, toujours occupés des coups qu’ils viennent de recevoir, ne savent ni frapper ni se préserver ? » Ils commencent à se douter que Louis XVI pourrait bien être un parjure quand il est à Varennes ! Il me semble les voir de même grands yeux ouverts quand ils verront La Fayette ouvrir au despotisme et à l’aristocratie les portes de la capitale. Puissé-je me tromper dans mes conjectures ! car je m’éloigne de Paris, comme Camille, mon patron, s’éloigna d’une ingrate patrie en lui souhaitant toutes sortes de prospérités. Je n’ai pas besoin d’avoir été empereur, comme Dioclétien, pour savoir que les belles laitues de Salerne, qui valaient mieux que l’empire d’Orient, valent bien l’écharpe dont se pare un municipal et les inquiétudes avec lesquelles un journaliste jacobin rentre le soir chez lui, craignant toujours de tomber dans une em-