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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/211

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indécise un mouvement devant lequel elle hésitait encore, et à la précipiter dans la république. Pourquoi cette impulsion devait-elle venir du département de la Gironde et non de Paris ? On ne peut que conjecturer en pareille matière. Cependant l’esprit républicain devait peut-être éclater plutôt à Bordeaux qu’à Paris, où la présence et l’action d’une cour énervaient depuis des siècles l’indépendance des caractères et l’austérité des principes, qui sont les bases du sentiment civique. Les états de Languedoc et les habitudes qui résultent de l’administration d’une province gouvernée par elle-même devaient prédisposer les mœurs de la Gironde à un gouvernement électif et fédératif.

Bordeaux était un pays parlementaire. Les parlements avaient nourri partout l’esprit de résistance et créé souvent l’esprit de faction contre la royauté. Bordeaux était une ville de commerce. Le commerce, qui a besoin de la liberté par intérêt, finit par en contracter le sentiment. Bordeaux était la ville coloniale, la grande échelle de l’Amérique en France. Les rapports constants de sa marine marchande avec les Américains avaient importé dans la Gironde l’enthousiasme des institutions libres. Enfin, Bordeaux était une terre mieux et plus tôt exposée aux rayons de la philosophie que le centre de la France. La philosophie y avait germé d’elle-même avant de germer à Paris. Bordeaux était le pays de Montaigne et de Montesquieu, ces deux grands républicains de la pensée française. L’un avait librement sondé les dogmes religieux, l’autre les institutions politiques. Le président Dupaty y avait fomenté, depuis, l’enthousiasme de la philosophie nouvelle. Bordeaux, de plus, était une terre à moitié romaine, où les traditions de la liberté et du forum romain