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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/224

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VII

Il y a une grande puissance de conviction dans cette lutte d’un seul contre une multitude. Braver à la fois, sans autre parti que sa raison individuelle, le respect humain, cette lâcheté de l’esprit déguisée en respect de l’erreur ; affronter les haines de la terre et les anathèmes de l’Église, ce fut l’héroïsme de Voltaire. Il exposa son nom ; il le dévoua, et pendant sa vie et après sa mort. Il se résigna à de longs exils en échange de la liberté de combattre. Il se séquestra volontairement des hommes pour que leur pression ne gênât pas en lui sa pensée. À quatre-vingts ans, infirme et se sentant mourir, il fit plusieurs fois ses préparatifs, à la hâte, pour aller combattre encore et expirer loin du toit de sa vieillesse. La verve intarissable de son esprit ne se glaça pas un seul moment. Il porta la gaieté jusqu’au génie, et sous cette plaisanterie de toute sa vie on sent une puissance sérieuse de persévérance et de conviction. Ce fut le caractère de ce grand homme. La verve lumineuse de sa pensée a trop caché la profondeur du dessein. Sous la plaisanterie et sous le rire, on n’a pas assez reconnu la constance. Il souffrait en riant et voulait souffrir, dans l’absence de sa patrie, dans ses amitiés perdues, dans son nom flétri, dans sa mémoire maudite. Il accepta tout en vue du triomphe de l’indépendance de la raison humaine. Le dévouement ne change point de valeur en changeant de