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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/225

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cause ; ce fut là sa vertu devant la postérité. Il ne fut pas la vérité, mais il fut son précurseur, et marcha devant elle. Une chose lui manqua : ce fut l’amour de Dieu. Il le voyait par l’esprit, il haïssait les formes que les âges passés lui avaient associées. Il déchirait avec colère les nuages qui, dans sa conviction, empêchaient l’idée divine de rayonner pure sur les hommes, mais son culte était plutôt de la haine contre l’erreur que de la foi dans la Divinité. Le sentiment religieux, ce résumé sublime de la pensée humaine, cette raison qui s’allume par l’enthousiasme pour monter à Dieu comme une flamme et pour se réunir à lui dans l’unité de la création avec le créateur, du rayon avec le foyer, Voltaire ne le nourrissait pas dans son âme. De là les résultats de sa philosophie. Elle ne créa ni morale, ni culte, ni charité ; elle ne fit que décomposer et détruire. Négation froide, corrosive et railleuse, elle agissait à la façon du poison : elle glaçait, elle tuait ; elle ne vivifiait pas. Aussi ne produisit-elle pas, même contre ces erreurs, qui n’étaient que l’alliage humain d’une pensée divine, tout l’effet qu’elle devait produire. Elle fit des sceptiques au lieu de faire des croyants. La réaction chrétienne fut prompte et générale. Il en devait être ainsi. L’impiété vide l’âme de ses erreurs sacrées, mais elle ne remplit pas le cœur de l’homme. Jamais l’impiété seule ne ruinera un culte. Il faut une foi pour remplacer une foi. Il n’est pas donné à l’irréligion de détruire une religion sur la terre. Il n’y a qu’une religion qui puisse véritablement triompher d’une religion en la remplaçant. La terre ne peut pas rester sans autel, et Dieu seul est assez fort contre Dieu.