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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/251

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et de l’Assemblée constituante, entre le génie populaire, représenté par Mirabeau, et le génie vaincu des aristocraties, personnifié dans Louis XVI et dans le haut clergé. Ce grand spectacle n’avait été pour les souverains et pour leurs ministres qu’une continuation de la lutte à laquelle ils avaient assisté avec tant d’intérêt et tant de faveur secrète, entre Voltaire et Jean-Jacques Rousseau, d’un côté, et le vieux monde aristocratique et religieux de l’autre. La Révolution pour eux n’était que la philosophie du dix-huitième siècle descendue des salons dans la place publique et passée des livres dans les discours. Cet ébranlement du monde moral et ces secousses entendues de loin, à Paris, présages de je ne sais quel inconnu dans les destinées européennes, les séduisaient plus qu’ils ne les inquiétaient. Ils ne s’apercevaient pas encore que les institutions sont des idées, et que ces idées vaincues en France entraînaient avec elles dans leur chute les trônes et les nationalités. Quand l’esprit de Dieu veut une chose, tout le monde semble la vouloir ou y concourir à son insu. L’Europe donnait aux premiers actes de la Révolution française du temps, de l’attention, du retentissement : c’était ce qu’il lui fallait pour grandir. L’étincelle, n’étant pas étouffée à sa première lueur, devait tout allumer et tout consumer. L’état politique et moral de l’Europe était éminemment favorable à la contagion des idées nouvelles. Le temps, les choses et les hommes étaient à la merci de la France.