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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/257

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Le pacte de famille, conclu entre Louis XV et Charles III, en 1761, avait garanti tous les trônes et toutes les possessions des différentes branches de la maison de Bourbon. Mais ce pacte de la politique n’avait pu garantir cette dynastie à plusieurs rameaux contre l’épuisement de séve et la décadence de nature qui donne des princes dégénérés pour successeurs à de grands rois. Les Bourbons, devenus des satrapes à Naples, avaient, en Espagne, succédé à des moines couronnés. Le monastère de l’Escurial était devenu moins le palais que le couvent de la royauté asservie volontairement aux sombres pratiques de la dévotion de Philippe II. Le système monacal rongeait l’Espagne. Ce malheureux pays adorait le mal dont il périssait. Après avoir été soumis aux califes, il était devenu la conquête des papes. Leur milice y régnait sous tous les costumes. La théocratie immobile faisait là sa dernière expérience. Jamais le système d’un gouvernement sacerdotal n’avait possédé plus complétement une nation, et jamais il ne l’avait réduite à un épuisement plus absolu. L’inquisition était toute son institution ; les auto-da-fé étaient ses triomphes ; les combats de taureaux et les processions étaient ses fêtes. Encore quelques années de ce règne des inquisiteurs, et ce peuple ne comptait plus parmi les peuples de la civilisation.

Charles III avait tremblé lui-même, sur son trône, à chaque tentative qu’il avait faite pour émanciper son gouvernement. Ses bonnes intentions étaient rentrées en lui, impuissantes et découragées. Il avait été contraint de sacrifier ses ministres à la vengeance des fanatiques. Florida Blanca et d’Aranda étaient morts dans l’exil, punis du crime d’avoir servi leur pays. Le faible Charles IV était