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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/277

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fection des gardes-françaises à Paris, la révolte des Suisses de Châteauvieux à Nancy, les excès des soldats insurgés et impunis à Caen, à Brest, partout, avaient changé en horreur et en haine la faveur de la noblesse pour le mouvement des idées. Elle voyait que le premier acte du peuple était de dégrader les supériorités. L’esprit de caste poussait les nobles à émigrer, l’esprit de corps y poussait les officiers, l’esprit de cour faisait une honte de rester sur un sol souillé de tant d’outrages à la royauté. Les femmes, qui faisaient alors l’opinion en France, et dont l’imagination mobile et tendre passe promptement du côté des victimes, étaient toutes du parti du trône et de l’aristocratie. Elles méprisaient ceux qui n’allaient pas leur chercher des vengeurs à l’étranger. Les jeunes gens partaient à leur voix, ceux qui ne partaient pas n’osaient se montrer. On leur envoyait des quenouilles, symbole de lâcheté !

Mais ce n’était pas seulement la honte qui chassait les officiers et les nobles dans les rangs des émigrés, c’était aussi l’apparence d’un devoir. La principale vertu de la noblesse française, c’était une fidélité religieuse au trône. Son honneur, sa seconde et presque sa seule religion, était de mourir pour le roi. L’attentat à la royauté lui paraissait un attentat contre Dieu même. La chevalerie, ce code des mœurs aristocratiques, avait propagé et conservé ce noble préjugé en Europe. Le roi, pour la noblesse, c’était la patrie. Ce sentiment, un moment éclipsé par les hontes de la régence, par les scandales de Louis XV, par les maximes plus mâles de la philosophie de Rousseau, se retrouvait tout entier dans le cœur des gentilshommes, au spectacle de l’avilissement et des périls du roi et de la reine. L’Assemblée nationale n’était à leurs yeux qu’une bande de