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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/325

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avait coulé dans la cathédrale même où le prêtre réfractaire disputait l’autel au prêtre assermenté. Les mêmes désordres menaçaient de se propager dans tout le royaume. Partout deux pasteurs et un troupeau divisé. Les haines, qui allaient déjà jusqu’aux insultes, devaient bientôt aller jusqu’au sang. La moitié du peuple, inquiète dans sa foi, revenait à l’aristocratie par amour pour son culte. L’Assemblée pouvait s’aliéner ainsi l’élément populaire, qui l’avait fait triompher de la royauté. Il fallait pourvoir à ce péril inattendu.

Il n’y avait que deux moyens d’éteindre cet incendie dans son foyer : ou une liberté des consciences fortement maintenue par le pouvoir exécutif, ou la persécution contre les ministres de l’ancien culte. L’Assemblée indécise flottait entre ces deux partis. Sur un rapport de Gallois et de Gensonné, envoyés comme commissaires civils dans les départements de l’Ouest pour y étudier les causes de l’agitation et l’esprit du peuple, la discussion s’ouvrit. Fauchet, prêtre assermenté, prédicateur célèbre, depuis évêque constitutionnel du Calvados, prit le premier la parole. C’était un de ces hommes qui sous l’habit ecclésiastique cachaient le cœur d’un philosophe. Novateurs par l’esprit, prêtres par état, sentant la contradiction profonde entre leur opinion et leur caractère, une religion nationale, un christianisme révolutionnaire, était le seul moyen qui leur restait pour concilier leur intérêt et leur politique. Leur foi, tout académique, n’était qu’une bienséance religieuse. Ils voulaient transformer insensiblement le catholicisme en code de morale où le dogme ne fût plus qu’un symbole contenant pour le peuple de saintes vérités, et qui, dépouillé de plus en plus des fictions sacrées, fît passer insensiblement l’esprit