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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/346

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trois rôles dans un seul et de capter à la fois les trois partis de l’Assemblée. Dans ses principes philosophiques, il affectait le langage de modérateur, et répétait les axiomes de Mirabeau contre les lois relatives à l’expatriation. Dans son attaque aux princes, il découvrait le roi et le désignait aux soupçons du peuple. Enfin, dans sa dénonciation de la diplomatie des ministres, il poussait à une guerre extrême, et montrait par là l’énergie d’un patriote et la prévision d’un homme d’État ; car, en cas de guerre, ils ne se dissimulait pas les ombrages de la nation contre la cour, et il savait que le premier acte de la guerre serait de déclarer le roi traître à la patrie.

Ce discours plaça Brissot à la tête des conspirateurs de l’Assemblée. Il apportait à la Gironde jeune et inexpérimentée sa réputation d’écrivain, de publiciste, d’homme rompu depuis dix ans au manége des factions. L’audace de cette politique flattait leur impatience, et l’austérité du langage leur faisait croire à la profondeur des desseins.

Condorcet, ami de Brissot, dévoré comme lui d’une ambition sans scrupule, lui succéda à la tribune et ne fit que commenter le premier discours. Il conclut, comme Brissot, à sommer les puissances de se prononcer pour ou contre la constitution, et demanda le renouvellement du corps diplomatique.

Le concert était visible dans ces discours. On sentait qu’un parti tout formé prenait possession de la tribune et allait affecter la domination de l’Assemblée. Brissot en était le conspirateur, Condorcet le philosophe, Vergniaud l’orateur. Vergniaud monta à la tribune entouré du prestige de sa merveilleuse éloquence, dont le bruit l’avait