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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/405

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dessinée, depuis le levant bleuâtre, loin derrière le pont au Change, jusqu’au couchant doré d’une lueur de pourpre mourante, derrière les arbres des Champs-Élysées et les maisons de Chaillot ! Je ne manquais pas d’employer ainsi quelques moments à la fin d’un beau jour ; et souvent des larmes douces coulaient délicieusement de mes yeux, tandis que mon cœur, gonflé d’un sentiment inexprimable, heureux de battre et reconnaissant d’exister, offrait à l’Être des êtres un hommage pur et digne de lui. »

Hélas ! quand elle écrivait ces lignes, elle ne voyait plus que dans son âme ce par si rétréci du ciel de Paris, et le souvenir de ces soirées resplendissantes n’éclairait que d’une illusion fugitive les murs de son cachot.


V

Mais alors elle était heureuse, entre sa tante Angélique et sa mère, dans ce qu’elle appelle ce beau quartier de l’île Saint-Louis. Sur ces quais alignés, sur ce rivage tranquille, elle prenait l’air dans les soirs d’été, contemplant le cours gracieux de la rivière et la campagne qui se dessinait au loin. Elle traversait aussi, le matin, ces quais dans un saint zèle, pour aller à l’église, sans rencontrer dans ce chemin désert aucune distraction à son recueillement. Son père, qui lui permettait de hautes études et qui s’enivrait des succès de sa fille, voulut pourtant l’initier à son art et la fit commencer à graver. Elle apprit à tenir le