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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/411

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condition, c’est un homme. Je mourrai dans l’isolement plutôt que de prostituer mon âme dans une union avec un être qui ne la comprendrait pas. »

Privée de sa mère par une mort prématurée, seule dans la maison d’un père où le désordre s’introduisait avec de secondes amours, la mélancolie gagnait son âme, mais ne la surmontait pas. Elle se recueillait davantage en elle-même pour rassembler ses forces contre l’isolement et contre l’infortune. La lecture de l’Héloïse de Rousseau, qu’on lui prêta alors, fit sur son cœur le même genre d’impression que Plutarque avait fait sur son esprit. Plutarque lui avait montré la liberté, Rousseau lui fit rêver le bonheur. L’un l’avait fortifiée, l’autre l’attendrit. Elle éprouva le besoin d’épancher son âme. La tristesse fut sa muse sévère. Elle commença à écrire pour se consoler dans l’entretien de ses propres pensées. Sans aucune intention de devenir écrivain, elle acquit par ses exercices solitaires cette éloquence dont elle anima plus tard ses amis.


IX

Ainsi mûrissait cette femme patiente et résolue à la fois envers sa destinée, quand elle crut avoir trouvé l’homme antique rêvé depuis si longtemps par son imagination. Cet homme était Roland de La Platière.

Il lui fut présenté sous les auspices d’une de ses jeunes amies d’enfance mariée à Amiens, où Roland exerçait alors