Aller au contenu

Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/440

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dées les défiances du soldat contre les officiers, mais j’espère les dissiper en parlant aux uns et aux autres de la patrie et du roi. Je dirai aux officiers que d’anciens préjugés, qu’un amour trop peu raisonné pour le roi ont pu quelque temps excuser leur conduite, mais que le mot de trahison n’est d’aucune langue chez les nations qui connaissent l’honneur ! Je dirai aux soldats : Vos officiers, qui restent à la tête de l’armée, sont liés à la Révolution par le serment et par l’honneur. Le salut de l’État dépend de la discipline de son armée. Je remettrai mon portefeuille entre les mains du ministre des affaires étrangères ; et telle est ma confiance, telle doit être celle de la nation dans son patriotisme, que je me rends responsable de tous les ordres qu’il donnera en mon nom. » M. de Narbonne se montra dans ces paroles aussi habile que magnanime. Il se sentait assez de crédit dans la nation pour en couvrir l’impopularité de son collègue, M. de Lessart, déjà dénoncé par les Girondins, et il se mettait ainsi entre ceux-ci et leur victime. L’Assemblée était entraînée. Il obtint vingt millions pour préparatifs, et le grade de maréchal de France pour le vieux Luckner. La presse et les clubs eux-mêmes applaudirent. L’élan général vers la guerre emportait tout, même les ressentiments.

Un seul homme aux Jacobins résistait à cet entraînement : cet homme, c’était Robespierre. Jusque-là, Robespierre n’avait été qu’un discuteur d’idées, un agitateur subalterne, infatigable et intrépide, mais éclipsé par les grands noms. De ce jour, il devint un homme d’État. Il sentit sa force intérieure ; il appuya cette force sur un principe ; il osa combattre seul pour la paix. Il se dévoua sans regarder au nombre de ses adversaires, et il doubla sa force en l’exerçant.