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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 9.djvu/441

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La question de la paix ou de la guerre s’agitait dans les cabinets des princes menacés par la Révolution, dans les conseils de Louis XVI, dans les conciliabules des partis, dans l’Assemblée, dans les Jacobins et dans les journaux. Le moment était décisif. Il était évident que les négociations entre l’empereur Léopold et la France au sujet des rassemblements d’émigrés dans les États dépendants de l’Empire touchaient à leur crise, et qu’avant peu de jours, ou l’empereur donnerait satisfaction à la France en dissipant ces rassemblements, ou la France lui déclarerait la guerre, et, par cette déclaration, amasserait sur elle les hostilités de tous ses ennemis à la fois. C’était le défi jeté par la France.

Nous avons vu qu’il y avait accord pour la guerre entre les hommes d’État et les révolutionnaires, les constitutionnels et les Girondins, les aristocrates et les Jacobins. La guerre était pour tous un appel au destin : la France, impatiente, voulait qu’il se prononçât par la victoire ou par la défaite. La victoire lui semblait la seule issue à ses difficultés intérieures : la défaite même ne l’effrayait pas. Elle croyait en elle, et elle bravait la mort. Robespierre pensa autrement.

Il comprit deux choses : la première, c’est que la guerre était un crime gratuit contre le peuple ; la seconde, c’est que la guerre même heureuse perdrait la démocratie. Robespierre considérait la Révolution comme l’application rigoureuse des principes de la philosophie politique aux sociétés. Élève convaincu et passionné de Jean-Jacques Rousseau, le Contrat social était son Évangile ; la guerre faite avec le sang des peuples était aux yeux de cette philosophie ce qu’elle sera toujours aux yeux des sages, le meurtre en masse pour l’ambition de quelques-uns, glorieuse seulement