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Page:Lampryllos - La Mystification fatale, 1883.djvu/112

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ption de quelques mots italiens. L’idiome est un entre Constantinople et la Grèce propre, d’une part, la Grèce italienne, de l’autre, à cette époque du moyen âge ; preuve incontestable que la vie morale et intellectuelle était une entre les deux contrées, que l’Italie méridionale était alors, non seulement hellénisée, mais profondément byzantinisée, que c’était de l’empire de Constantinople qu’était venue sa culture grecque.

Historiquement, l’accord unanime de tous les textes et de toutes les inscriptions établit, à n’en pouvoir douter, que, dans ce qui avait été jadis la Grande-Grèce, la tradition de l’hellénisme avait été absolument interrompue dans les premiers siècles de l’ère chrétienne.

Déjà Strabon, qui avait parcouru cette contrée, atteste que de son temps Néapolis, Rhégion et Tarente résistaient seules encore à la latinisation ou, pour parler son langage, à la barbarisation ; partout ailleurs le grec avait fait place au latin, comme les mœurs romaines s’étaient substituées aux mœurs helléniques. Les trois seuls foyers d’hellénisme qu’il signalait encore s’éteignirent pendant la durée de l’Empire ; pour chacun d’eux on peut fixer la date il fut définitivement latinisé. Quand l’Église chrétienne se constitua dans l’Italie méridionale, ce fut sous l’action directe et la suprématie du Siège de Rome, et comme lui elle fut latine. Pour s’y implanter de nouveau, il fallut que la langue et la culture grecques en fissent une seconde fois la conquête, comme elles l’avaient déjà faite sept siècles avant notre ère, et cela après un hiatus de cinq cents ans au moins, pendant lequel le pays avait été entièrement et exclusivement latin.

Il suffit d’ailleurs de mettre en parallèle le tableau du Brutium latin du VIme siècle après J. C., tel que nous venons de l’extraire des œuvres de Cassiodore, et le tableau de la vie de saint Nil de Rossano, pour être assuré qu’entre ces deux états si absolument divers de la même contrée, à 400 ans de distance, il n’y a pas une tradition qui se continue, mais au contraire un des changements les plus radicaux dont l’histoire nous offre l’exemple.

C’était là le résultat naturel et presque inévitable que devait produire quatre siècles de domination byzantine, avec la supériorité de civilisation qu’avait alors l’Orient grec sur l’Occident latin, surtout dans un pays où l’antique origine d’une partie des habitans, même après une longue latinisation, avait laissé chez eux des affinités géniales avec l’hellénisme, qui ne pouvaient manquer de se réveiller.