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Page:Lampryllos - La Mystification fatale, 1883.djvu/111

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aurait été un héritage ininterrompu des antiques colonies grecques de la grande époque, qui se serait perpétué au travers des temps romains jusqu’au moyen âge et jusqu’à nos jours. Cet hellénisme aurait vécu pendant vingt siècles d’une vie complétement indépendante, sans rien emprunter au monde byzantin ; il posséderait ainsi une antiquité et une noblesse qui le rendraient bien supérieur à celui de la Grèce, dégénérée par la longue et déprimante domination d’un césarisme bâtard.

Je laisse de côté dans ce moment, pour y revenir un peu plus tard, la question des Grecs de Bova et de la province de Lecce, dont il me serait facile de démontrer, par des preuves irréfragables, que le sang a été à tout le moins renouvelé par des immigrations récentes, contemporaines de la conquête de la Grèce par les Turcs ou peut-être postérieures. Mais même en se bornant à ce qui touche à l’hellénisme de la Calabre et du reste de l’Italie méridionale jusqu’à Naples, tel que nous le prenons sur le fait dans les documents de la domination normande, la théorie qui le rattachait à la vieille colonisation achéenne et dorienne de l’antiquité ne saurait aujourd’hui se défendre. Dans une discussion serrée et décisive, M. Zambellis n’en a rien laissé debout. Philologiquement, la grécité des diplômes italiens du moyen âge, comme de la nomenclature géographique des Calabres modernes, n’a rien de ce que ferait nécessairement l’individualité d’un dialecte issu directement de l’antique parler dorien de la grande Grèce en dehors de tout contact et de toute influence de la grécité médiévale de l’empire de Constantinople. Dans les actes écrits par des scribes lettrés et dans les vies des saints composées au sein des monastères c’est le pur grec byzantin, tel que l’employaient la chancellerie impériale et les hagiographes d’Orient ; dans les actes rédigés entre particuliers illettrés, c’est un parler plus populaire, mais dont les altérations n’ont rien de propre ; elles sont, au contraire, absolument romaïques, et la seule chose dont puissent s’étonner ceux qui ont étudié le grec moderne, c’est de les y trouver si conformes à une époque aussi ancienne et hors de la Grèce. Cette dernière catégorie des diplômes grecs de l’Italie méridionale est d’un intérêt linguistique de premier ordre, car c’est là que nous avons les monuments qui nous permettent de saisir la transition du grec littéraire et officiel byzantin au romaïque. Mais loin d’offrir un dialecte à part, c’est le langage populaire oriental, sans même une particularité provinciale, sauf l’ado-