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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/418

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publication de l’original, une traduction, qui attribua l’ouvrage au marquis d’Argens, libre-penseur débonnaire, faisant partie de la société dont s’entourait le Grand Frédéric ; mais le nom du véritable auteur ne pouvait pas rester longtemps caché (74).

Ce qui vint compliquer gravement la situation de de la Mettrie, c’est qu’ayant déjà publié un soi-disant traité philosophique sur la volupté, il publia encore plus tard d’autres écrits de ce genre. Dans L’Homme-machine aussi, les relations sexuelles, même quand le sujet ne semble pas se prêter à de semblables digressions, sont parfois traitées avec une certaine effronterie systématique. Nous ne voulons pas ici méconnaître l’influence qu’exercèrent sur lui son temps et sa nationalité ; nous ne nierons pas non plus le déplorable penchant auquel il se laissait entraîner ; mais nous répéterons que de la Mettrie se crut conduit par son système à la justification des plaisirs sensuels, et que, s’il exprima ces pensées, c’est que son esprit les avait réellement conçues. Dans la préface de l’édition complète de ses œuvres philosophiques, il pose le principe suivant : « Écris comme si tu étais seul dans l’univers, et que tu n’eusses rien à craindre de la jalousie et des préjugés des hommes, ou bien tu manqueras ton but. » Peut-être de la Mettrie a-t-il trop voulu se disculper, lorsque, dans cette apologie où il déploie toute la pompe de sa rhétorique, il établit une distinction entre sa vie et ses écrits ; en tout cas, nous ne connaissons rien qui justifie la tradition d’après laquelle il aurait été un « éhonté voluptueux », « ne cherchant dans le matérialisme qu’une apologie pour son libertinage ». Il ne s’agit pas ici de savoir si, comme plus d’un écrivain de son temps, de la Mettrie mena une vie dissolue et frivole, — et des preuves positives paraissent même manquer sous ce rapport, — mais bien plutôt s’il ne devint écrivain que pour servir ses vices ou s’il fut entraîné par une idée de son temps, importante et justifiable comme idée de transition, et s’il consacra sa