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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/419

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vie à l’exposer. Nous comprenons l’irritation des contemporains contre cet homme ; mais nous sommes convaincu que la postérité le jugera bien plus favorablement, à moins que seul il ne puisse obtenir cette justice, que l’on accorde d’ordinaire à tous les autres.

Un jeune homme, après de brillantes études, n’abandonne pas une clientèle déjà nombreuse, pour se perfectionner dans un centre scientifique en renom, s’il n’est pas animé d’un ardent amour de la vérité. Ce médecin satirique savait trop bien que, dans sa profession, le charlatanisme était payé plus cher que la raison et la méthode dans l’art de traiter les malades. Il savait qu’il faudrait combattre pour introduire en France les principes de Sydenham et de Beerhaave. Pourquoi entreprit-il cette lutte, au lieu de s’insinuer dans la confiance des autorités dominantes ? N’était-il inspiré que par un naturel querelleur ? Pourquoi donc joindre à la satire le travail long et pénible des traductions et des extraits ? Un homme aussi habile, aussi expert, dans l’exercice de la médecine, aurait pu sans doute gagner de l’argent plus aisément et en plus grande quantité. Ou bien peut-être de la Mettrie voulait-il, par ses publications médicales, étouffer les cris de sa conscience ? Mais il était aussi éloigné que possible d’une idée quelconque de justification personnelle. D’ailleurs aux yeux de qui se serait-il disculpé ? Aux yeux du peuple qu’il tenait, comme la plupart de ces philosophes français, pour une masse indifférente, non encore mûre pour la libre-pensée ? Aux yeux d’un entourage, où, à de rares exceptions près, il ne trouvait que des gens tout aussi portés que lui vers les excès de la sensualité, mais qui se gardaient d’écrire des livres sur ce sujet ? Ou enfin à ses propres yeux ? Dans toute son œuvre, on voit qu’il a l’humeur riante et qu’il sait se suffire à lui-même ; on n’y rencontre aucune trace de cette sophistique des passions qui se développe dans un cœur déchiré. On peut appeler de la Mettrie impudent et frivole, reproches assez graves, il est