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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/129

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rapports des objets à nos sens ? Si le rotifère possède un œil formé d’une simple cornée, ne recevra-t-il pas d’autres images des objets que l’araignée qui peut se vanter d’avoir en plus sa lentille et son corps vitré ? Aussi la science de l’insecte, la connaissance des effets du monde extérieur pour l’insecte diffèrent-elles de celles de l’homme. Au-dessus de la connaissance des rapports des objets aux instruments faits pour les saisir ne s’élève aucun homme, aucun dieu.

» Nous savons donc ce que sont toutes choses pour nous ; nous savons comment le soleil luit pour nous, comment la fleur exhale des parfums pour les hommes ; comment les vibrations de l’air frappent une oreille humaine. On a appelé cela un savoir borné, un savoir humain, soumis aux sens, un savoir qui n’étudie l’arbre que tel qu’il est pour nous. C’est peu, disait-on, il faut savoir ce qu’est l’arbre en soi, et ne pas nous figurer plus longtemps qu’il est tel qu’il nous paraît.

» Mais où est l’arbre en soi que l’on cherchait ? Tout savoir ne présuppose-t-il pas un être qui sait, c’est-à-dire un rapport entre l’objet et l’observateur ? que l’observateur soit ver, scarabée, homme, s’il y a des anges, qu’il soit ange. Si tous deux existent, l’arbre et l’homme, il est aussi nécessaire pour l’arbre que pour l’homme que le premier soit avec le second dans un rapport qui se manifeste par l’impression sur l’œil. Sans relation avec l’œil, auquel il envoie ses rayons, l’arbre n’existe pas. C’est précisément par cette relation que l’arbre existe en soi.

» Tout être est un être en vertu de propriétés. Mais il n’y a pas de propriété qui n’existe point simplement par un rapport.

» L’acier est dur par opposition au beurre qui est mou. La main chaude connaît seule la froide glace, un œil sain connaît seul les arbres verts.

» Le vert est-il autre chose qu’un rapport de la lumière