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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/151

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de la pratique de l’art d’un grand maître, on sait encore très-bien ce qu’est un historien, un philologue, un chimiste ou un statisticien formé à bonne école ; à propos de « philosophes », au contraire, on n’emploie le plus souvent le mot de dilettantisme que d’une façon abusive. Bien plus, l’abus de l’idée elle-même par l’application irréfléchie qu’on en fait, a nui considérablement à la dignité et à l’importance de la philosophie. Si l’on voulait, abstraction faite des élèves d’une école, déterminer d’une manière générale ce qu’est une véritable éducation philosophique, que faudrait-il pour cela ? Avant tout, une culture rigoureusement logique par l’étude sérieuse et assidue des règles de la logique formelle et des principes de toutes les sciences modernes, de la théorie des probabilités et de celle de l’induction. Où trouver aujourd’hui une pareille instruction ? Sur dix professeurs d’universités, c’est à peine si un seul la possède ; il faut encore moins la chercher chez les gens dont le nom se termine en « — iens », hégéliens, herbartiens, trendelenburgiens ou disciples de n’importe quel autre chef d’école. La deuxième condition à réaliser serait une étude sérieuse des sciences positives, non au point de les posséder chacune en détail, ce qui est impossible et serait d’ailleurs inutile ; mais pour comprendre, d’après leur développement historique, leur marche et leur état actuels ; pour approfondir leurs connexions et saisir leurs méthodes d’après les principes de toute méthodologie. Ici nous demanderons encore une fois : Où sont les hommes qui ont reçu une éducation vraiment philosophique ? Certainement point parmi les gens en « — iens ». Hegel, par exemple, qui s’est dispensé très-étourdiment de remplir la première condition, a du moins sérieusement travaillé pour satisfaire à la seconde. Mais ses « disciples » n’étudient pas ce que Hegel a étudié. Ils étudient Hegel. Ce qui résulte de là, nous l’avons vu suffisamment : une phraséologie creuse et vide, une philosophie fantaisiste dont l’arrogance devait dégoûter tout