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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/160

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Il y a donc deux points où même le génie imaginé par Laplace devrait s’arrêter. Nous ne sommes pas en état de comprendre les atomes, et, à l’aide des atomes et de leur mouvement, nous ne pouvons pas même expliquer le moindre phénomène de la conscience.

Que l’on tourne et retourne, comme on voudra, l’idée de la matière et de ses forces, on finira toujours par rencontrer un dernier point incompréhensible, peut-être même quelque chose d’entièrement absurde, comme lorsque l’on admet des forces qui agissent à distance au travers du vide. Il ne reste aucun espoir de jamais résoudre ce problème : l’obstacle est transcendant. Il consiste en ce que nous ne pouvons finalement rien nous représenter qui soit entièrement dépourvu de qualités sensibles, tandis que toute notre connaissance tend à convertir les qualités en rapports mathématiques. Ce n’est donc pas sans motif que Du Bois-Reymond va jusqu’à soutenir qu’en réalité tout ce que nous savons de la nature n’est pas encore une connaissance, mais seulement un simulacre (Surrogat) d’explication. Nous n’oublierons jamais que toute notre culture repose sur ce simulacre qui, sous des rapports nombreux et importants, remplace parfaitement la connaissance prétendue absolue ; mais il n’en reste pas moins vrai que la connaissance de la nature, si nous la poussons jusqu’à ce point, et si nous cherchons à avancer au moyen du même principe qui nous a guidés jusqu’ici, nous révèle sa propre insuffisance et se limite elle-même.

Du Bois-Reymond ne trouve pas de difficulté sérieuse, pour la connaissance de la nature, dans la naissance des organismes. Où et sous quelle forme la vie apparut-elle pour la première fois, c’est ce que nous ne savons pas ; mais le génie imaginé par Laplace et possédant la formule cosmique, pourrait le dire. Un cristal et un organisme diffèrent l’un de l’autre, comme une simple bâtisse diffère d’une fabrique avec ses machines et ses constructions, où affluent