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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/17

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Notre mécanique actuelle contredirait, peut-être ; mais rappelons-nous que tous les progrès de la science se sont bornés à reculer et non à résoudre la difficulté que Hume signale. Considérons deux molécules de matière presque imperceptibles, ou deux corps célestes dont les mouvements s’influencent mutuellement, nous pourrons rendre compte aisément de tout le reste ; mais le rapport de l’attraction, qui produit le mouvement de l’un vers l’autre, avec les corps eux-mêmes, nous offre encore la complète incompréhensibilité en soi de tout phénomène de la nature. Sans doute cela n’explique pas comment le mouvement local aboutit à la pensée ; mais cela prouve que le caractère inexplicable du fait ne peut pas former un argument contre la dépendance de la pensée vis-à-vis du mouvement dans l’espace. Le matérialisme paye, il est vrai, cette protection d’un prix aussi élevé que celui que le diable exige, suivant la légende, pour son assistance. Le matérialisme tout entier est à jamais perdu, s’il admet que tous les phénomènes de la nature sont inexplicables. Si le matérialisme se résigne à ce mystère, il cesse d’être un principe philosophique ; il peut toutefois continuer à subsister comme base des recherches scientifiques en détail. Telle est, en réalité, la situation de la plupart de nos « matérialistes ». Ils sont essentiellement sceptiques ; ils ne croient plus que la matière, telle qu’elle apparaît à nos sens, contienne la solution dernière de toutes les énigmes de la nature ; mais ils procèdent absolument comme s’il en était ainsi, et ils attendent que les sciences positives elles-mêmes les obligent à admettre d’autres hypothèses.

L’affinité de Hume avec le matérialisme est peut-être encore plus frappante dans sa vive polémique contre la théorie de l’identité de la personne, de l’unité de la conscience, de la simplicité et de l’immatérialité de l’âme.

« Il y a des philosophes qui se figurent que nous avons à tout instant conscience de ce que nous nommons notre moi (dans la langue philosophique allemande das Ich) ; que