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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/226

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pas ne peut pas exister. » Voilà du moins une conception saine comparativement à la personnification, faite par Moleschott, d’une abstraction humaine. Ce que Moleschott dit de meilleur sur la force et la matière est un passage assez long de la préface de Du Bois-Reymond à ses Recherches sur l’électricité animale ; mais Moleschott a omis précisément le paragraphe le plus clair et le plus important.

À propos d’une analyse approfondie des idées obscures touchant ce qu’on appelle force vitale, Du Bois-Reymond se demande ce que nous nous représentons en général par le mot « force ». Il trouve qu’au fond il n’y a ni force ni matière ce ne sont que des abstractions des choses étudiées à différents points de vue.

« La force (en tant qu’elle est regardée comme cause du mouvement) n’est qu’un produit plus dissimulé de l’irrésistible penchant à la personnification, qui nous est inné ; c’est pour ainsi dire une habileté oratoire de notre cerveau, qui a recours au langage figuré, parce que la représentation lui fait défaut pour l’expression pure de la clarté. Avec les idées de force et de matière, nous voyons revenir le même dualisme, qui se produit dans les idées de Dieu et du monde, de l’âme et du corps. Ce n’est, avec des raffinements, que le besoin qui poussa jadis les hommes à peupler de créatures de leur imagination les forêts, les sources, les rochers, l’air et la mer. Que gagne-t-on à dire que deux molécules se rapprochent l’une de l’autre, en vertu de leur force d’attraction réciproque ? Pas même l’ombre d’une intuition de l’essence du phénomène. Mais, chose étrange, il y a pour notre désir inné de rechercher les causes une espèce de satisfaction dans l’image d’une main qui se dessine involontairement devant notre œil intérieur, d’une main qui pousse doucement devant elle la matière inerte, ou dans l’image de bras invisibles de polypes, au moyen desquels les molécules de matière s’étreignent, cherchent à s’attirer les unes les autres, et finalement s’entrelacent en un peloton. » (32)