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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/295

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de temps énormes pour qu’une semblable coïncidence unique de toutes ces modifications pût être attendue. En traitant des questions de cosmogonie, nous avons, il est vrai, combattu, de propos délibéré, ta crainte aveugle inspirée par les grands nombres ; mais ici la question est toute différente. La « mimicry » ne peut se développer que dans une période de conditions climatériques à peu près semblables, en face des mêmes ennemis, de la même végétation, et nous ne devons pas, en général, accorder à ces périodes une trop longue durée.

Darwin explique l’imitation protectrice en admettant que l’animal en question a dû avoir, dès d’origine, une certaine ressemblance grossière avec une portion quelconque de son entourage, de sorte que la sélection naturelle n’aurait eu besoin que de développer un commencement si important, soit en accentuant davantage la ressemblance protectrice, soit en adaptant les habitudes de la vie à l’utilisation de cette protection. Et de fait, cette explication paraît la seule qui soit conciliable avec l’application exclusive du principe de la sélection. Au lieu du concours fortuit de quantité de lignes et teintes délicates, nous aurions donc un ensemble grossier et primitif, qui pouvait, du moins dans certains cas, déjà tromper les ennemis et donner ainsi l’impulsion au processus connu de la sélection naturelle. Mais on doit remarquer qu’il y a des cas auxquels tout ce mode d’explication ne peut nullement être appliqué. Ce sont, en général, tous les cas où la forme protectrice et notamment la couleur diffèrent considérablement et étonnamment des formes et couleurs des espèces les plus rapprochées. Or ces cas sont extrêmement nombreux. Bennett en cite un où une espèce de papillons s’éloigne beaucoup de tous ses congénères presque entièrement blancs, et imite les couleurs brillantes d’un papillon d’une classe toute différente. Ce dernier est venimeux pour tes oiseaux qui le poursuivent, aussi l’évitent-ils ; mais le papillon imitateur, qui serait fort du