Aller au contenu

Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nécessité correspondait entièrement à la nature de la chose. Je connaissais la cause de la généralité du phénomène attendu, et voilà précisément ce qui m’autorisait à employer la forme apodictique relativement à toutes les particularités qui rentrent dans ce cas. J’ai peut-être pris, au lieu du télescopes à taches, un autre télescope sans taches placé à côté, ou bien ce que je prenais pour une tache dans le verre était une ombre, une dans mon propre œil ou n’importe quoi : bref, je me suis trompé, et cependant j’avais le droit, autant que je pouvais porter un jugement en général, de juger aussi en forme apodictique.

La plus grande généralité, en ce qui concerne notre connaissance, appartient donc évidemment à ce qui est déterminé par la nature de notre intellect, et c’est dans ce sens seulement qu’on est autorisé à parler de choses impossibles à penser ou de choses qu’on pense nécessairement. Ici cependant peut exister tout d’abord, avant que nous fassions une distinction plus précise, non-seulement l’erreur, mais encore l’abus évident du mot. Les hommes, comme l’a très-bien montré Stuart Mill, sont tellement soumis à l’influence de l’habitude que, pour fortifier une hypothèse quelconque, qui leur est familière ou pour repousser une assertion nouvelle, qui leur paraît monstrueuse, ils ne sont que trop portés à transformer en données de l’intellect des connaissances qui appartiennent évidemment au pur domaine de l’expérience. Mais là où l’on pourrait réellement admettre que l’intellect est enjeu, comme dans l’exemple des lois de Newton, où l’on déclare absurde l’effet à distance, nous pouvons certes aussi être réfutés par l’expérience, soit que nous ayons réellement commis une erreur relativement à la nature de l’intellect, soit qu’en tirant une conclusion de cette nature supposée, nous avons simplement négligé une circonstance secondaire.

Mill pourrait maintenant croire sa cause gagnée, par cet aveu que la force démonstrative, pour la vérité de l’assertion, gît bien réellement dans l’expérience ; mais, pour le moment,