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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/34

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il n’est pas du tout question de cela. Il s’agit plutôt d’expliquer l’origine de la forme apodictique de l’affirmation. Cette forme est justifiée, pourvu que je ne déduise pas mon affirmation de l’observation isolée, mais d’une source générale et connue dans sa généralité.

Essayons à présent, autant qu’il sera possible dans ce passage, d’exposer le point de vue de Kant dans toute sa rigueur. Revenons aux axiomes d’Euclide. D’après Mill, la proposition que deux lignes droites ne peuvent pas circonscrire un espace se prouve par l’expérience, c’est-à-dire qu’elle est une induction résultant de l’expérience unie aux intuitions de l’imagination. À cela, pour le moment, il n’y a pas grand’chose à répondre, en se plaçant au point de vue de Kant. Compter comme expérience une intuition de l’imagination pourrait tout au plus provoquer une querelle de mots ; dire que l’aperception de la vérité de la proposition est acquise par l’intuition sensible et naît, en quelque sorte, inductivement, n’est pas du style de Kant, mais par le fait concorde entièrement avec ses idées (11). La seule différence est que Kant commence là où Mill finit. Pour Mill, la chose est complètement expliquée ; pour Kant, le véritable problème ne fait que commencer. Ce problème est ainsi conçu : Comment l’expérience est-elle en général possible ? Toutefois il ne s’agit pas encore ici de la solution de ce problème, mais seulement de la preuve qu’il existe, qu’il y a ici encore une question que l’empirisme ne peut pas résoudre. Dans ce but, il faut prouver que la conscience de la nécessité, de la stricte généralité de la proposition existe, et que cette conscience de l’expérience ne résulte pas de l’expérience, bien qu’elle ne se développe qu’avec l’expérience et à l’occasion de l’expérience.

Rappelons ici la question : D’où savons-nous que deux lignes droites idéales se comportent absolument comme les lignes réelles ? (12) Kant répond : C’est que nous établissons cet accord nous-mêmes, non sans doute par un acte de ca-