Aller au contenu

Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

syllogismes, on a fait trop peu attention au facteur synthétique en géométrie. On croyait avoir devant soi une science qui développe toutes ses notions, en les faisant sortir des étéments les plus simples, uniquement par voie contradictoire. De cette erreur naquit le préjugé que le charme seul de la logique formelle suffit pour tirer du néant une création pareille ; il s’agit, en effet, d’un point de vue qui admet l’a priori, mais qui veut tout gagner par la voie analytique ; il s’agit, strictement parlant, de faire disparaître les axiomes eux-mêmes ou de les résoudre en jugements identiques (14).

Toutes les tentatives de ce genre finissent par ramener à certaines idées générales sur l’essence de l’espace ; et ces idées, sans intuition correspondante, sont des mots vides de sens. Mais, en constatant que les axiomes découlent de l’essence générale de l’espace, comme cela est reconnu dans l’intuition, loin de réfuter la théorie de Kant, on la confirme et on l’élucide. C’est, au reste, une grande erreur de croire que les quelques propositions, que l’on met en avant comme axiomes ou comme descriptions de la nature générale de l’espace, constituent l’ensemble des éléments synthétiques de la géométrie. Toute construction auxiliaire, que l’on érige dans le but d’effectuer une démonstration, est de nature synthétique, et c’est procéder d’une manière tout à fait illogique que de reconnaître, comme fait Ueberweg, la nature synthétique de ces facteurs, mais de leur refuser toute valeur pour une démonstration (15). Ueberweg croit que, pour l’inventeur de propositions mathématiques, le « tact » mathématique, le « coup d’œil » peuvent assurément être d’une notable importance dans les constructions, mais que ce coup d’œil géométrique n’a pas plus d’importance pour la rigueur scientifique du développement que n’en a non plus le tact, dans d’autres déductions, pour le choix des prémisses convenables. En parlant ainsi, on oublie entièrement le point décisif : il faut voir la construction ou se la représenter en imagination, ne fût-ce que pour en comprendre la possi-