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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/429

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Cette explication des représentations d’espace pourrait être abandonnée sans que la psychologie d’association en reçût la plus légère atteinte. Il y a cependant un autre point qui non seulement décide du sort de cette science, mais encore est de la plus haute importance pour les questions fondamentales des rapports du corps avec l’âme. C’est la question de savoir s’il existe ou non, pour la succession des représentations, une causalité absolue et immanente.

Le sens de cette grave question est facile à comprendre pourvu que l’on jette un coup d’œil rétrospectif sur Descartes ou Leibnitz. Nous entendons par causalité « immanente », celle qui n’a pas besoin d’intermédiaires étrangers. Ainsi l’état de la représentation, dans un moment donné, doit se laisser expliquer uniquement par les états représentatifs antérieurs. Chez Descartes aussi bien que chez Leibnitz, l’âme avec son contenu de représentations forme un monde complet en soi et séparé du monde des corps. L’esprit doit tirer de lui-même jusqu’aux représentations qui correspondent à une nouvelle impression des sens. Mais d’après quelle loi alternent les états de l’âme ? c’est ce qui reste obscur. Descartes aussi bien que Leibnitz ne reconnaissent, quant au monde des corps, qu’un strict mécanisme. Ce mécanisme n’est pas applicable au monde des représentations, où rien ne peut être mesuré ni pesé ; mais de quelle nature peut bien être ce lien de la causalité qui réunit ici les états variables ? À cela Descartes ne fait aucune réponse ; Leibnitz en fait une, qui est très-ingénieuse, quoique insuffisante. Il place la causalité de la représentation dans le rapport de la monade avec l’univers, dans l’harmonie préétablie. Encore que la monade n’ait pas de « fenêtres », ce qui se passe en elle n’est pourtant pas régi par un principe immanent, mais par le rapport qu’elle a avec l’univers, rapport accessible seulement à la spéculation, non à l’observation. Par là, toute psychologie empirique est rendue impossible, et au fond il ne saurait être question des lois de l’association ni d’autres lois absolues quelconques.