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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/482

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secret de la civilisation, article rarement mentionné, mais jamais oublié (4). Et sur aucun terrain l’apparence de la vérité n’est plus favorable à une pareille maxime que précisément sur celui de l’économie politique. Les sophismes d’Helvétius sont transparents malgré les brillants ornements que leur prête la rhétorique, et tout essai tendant à expliquer par le principe de l’égoïsme les vertus du patriotisme, du dévouement pour le prochain et de la bravoure, devait échouer contre la conviction que, dans ce cas, le bon sens contredit d’accord avec la critique scientifique. Il en est autrement dans l’économie politique. Sa tendance innée est de pousser au bien-être matériel du peuple et, cela donné, il est très-naturel d’admettre que le progrès général est tout simplement la somme des progrès individuels quant à l’individu, — c’est du moins le résultat incontestable de l’expérience commerciale de tous les temps, — il ne peut arriver à l’aisance qu’en poursuivant à outrance ses propres intérêts, sauf à pratiquer la vertu sur d’autres terrains, autant que ses moyens le lui permettent.

Si, dès le commencement, l’économie politique n’avait été fondée sur l’égoïsme qu’avec l’intention d’obtenir provisoirement, par l’abstraction des autres motifs, une science hypothétique et exacte dans les limites de l’hypothèse, comme premiers degrés d’une théorie plus complète, dans ce cas il ne pourrait être question, sur ce terrain, d’un matérialisme blâmable. Au lieu de cela, on appliqua en bloc aux nations les maximes pratiques qui règlent la poursuite des bénéfices commerciaux dans la vie journalière. On sépara la question du progrès matériel des peuples d’avec les questions morales, absolument comme elles étaient séparées depuis longtemps dans les relations sociales. On ne se préoccupait point de la forme des relations de propriété, mais de la masse et de la valeur commerciale des biens, et au lieu de se demander comment l’homme agirait s’il n’était qu’égoïste, on se demanda comment l’homme agit-il sur le terrain où l’égoïsme seul fait la loi ? La première question est celle du théoricien exact ; la