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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/494

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sa propre part aux dépens des autres. Admettons maintenant que, dans notre république, il y ait des biens communs et des biens individuels, et qu’il existe des limites, généralement respectées, aux soustractions et aux escroqueries ; malgré toutes les précautions, il restera encore assez de moyens légaux qui permettront à tel ou tel individu d’obtenir un privilège dans la jouissance des biens communs, ou d’augmenter sa propriété personnelle. Le plus important de ces moyens légaux consistera à récompenser davantage celui qui rendra les plus grands services à la société.

Maintenant nous avons l’idée de l’harmonie des intérêts ; en effet, on peut sans doute se figurer que nos êtres sont organisés de telle sorte qu’ils développent un maximum de force, quand ils ne pensent purement qu’à eux-mêmes ; d’un autre côté, les lois de notre république renfermeront des dispositions telles que nul ne pourra obtenir pour soi-même un avantage notable, s’il ne produit pas beaucoup de travail pour la société. Il serait aussi très-possible que l’augmentation de force obtenue par l’émancipation de l’égoïsme fût plus grande que la perte résultant de la neutralisation des efforts, et, s’il en était ainsi, l’harmonie des intérêts serait démontrée. Mais il est difficile de déterminer jusqu’à quel point ces hypothèses se réalisent dans la vie humaine ; on peut même rencontrer des circonstances qui viennent déjouer tous les calculs. Ainsi, par exemple, les ressources acquises par un travail utile sont une cause de nouveaux avantages, le propriétaire faisant travailler d’autres individus à sa place. C’est là sans doute un profit pour la société tout entière, mais c’est en même temps le germe d’une maladie, que nous décrirons plus loin. Contentons-nous, pour le moment, d’indiquer un côté fâcheux : quand une fois un homme est devenu supérieur aux autres, il peut employer ses moyens d’action à satisfaire impunément sa cupidité. Plus il avance, plus il augmente ses forces, ce qui lui permet d’avancer encore ; aussi la résistance non-seulement de ses concurrents,