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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/50

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connaissons toutes les relations nécessaires des objets de notre expérience ; mais précisément à cause de leur nature comme forme de toute expérience humaine, tout essai d’une application de ces mêmes formes au suprasensible est infructueux. Sans doute une question s’impose ici à notre esprit : qu’est-ce que toute la science fournie par l’expérience, si nous ne retrouvons que les lois faites par nous-mêmes dans les choses qui ne sont plus des choses, mais simplement des « phénomènes » ? À quoi mène toute notre science, si nous devons nous représenter les choses existant absolument, les « chosesen soi », comme étant en dehors du temps et de l’espace, par conséquent d’une façon complètement incompréhensible pour nous ? — À ces questions nous nous contentons provisoirement de répondre par une autre question : qui prétend donc que nous devions nous occuper en général des « choses en soi » entièrement incompréhensibles pour nous ? Les sciences de la nature ne sont-elles pas en tout cas ce qu’elles sont et ne rendent-elles pas les services qu’elles rendent, tout à fait indépendamment des spéculations sur les principes derniers des choses, vers lesquels nous nous voyons entraînés par la critique philosophique ?

Si donc l’on considère sous ce point de vue la théorie de l’apriorité du temps et de l’espace, on n’aura aucun motif pour la rejeter sans l’examiner. Même les scrupules, que nous avons soulevés relativement à la naissance psychologique de l’idée d’espace, ne suffisent pas pour rejeter cette théorie.

En ce qui concerne notre hypothèse touchant l’influence de la sensation sur la naissance de nos idées d’espace, la question n’est pas résolue par cette hypothèse. Autre chose est de considérer les idées d’espace dans leur développement, autre chose est de se poser la question comment se fait-il que nous concevions en général au moyen de l’espace, c’est-à-dire que nos sensations, par leur coopération, produisent l’idée d’un être juxtaposé mesurable d’après les trois dimensions, à laquelle vient en suite se joindre, pour ainsi dire, comme