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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/511

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ment. Le commerce et les transactions se comportèrent comme la haute politique et — le gouvernement ecclésiastique. « Tous les chrétiens, dit Mill dans son remarquable livre sur la Liberté, croient que les pauvres, les malheureux et tous les déshérités de ce monde sont bénis ; qu’un chameau passerait par le trou d’une aiguille plutôt qu’un riche n’entrerait dans le royaume des cieux ; qu’il ne faut pas juger si l’on ne veut pas être jugé soi-même ; que jurer est un péché ; que l’on ne doit pas se préoccuper du lendemain ; que, pour devenir parfait, il faut vendre tous ses biens et en distribuer le montant aux pauvres. Ils ne manquent pas de sincérité, quand ils disent qu’ils croient à ces choses. Ils y croient comme on croit à tout ce qui est loué sans cesse et jamais attaqué. Mais, dans le sens de cette foi vive, qui règte notre conduite, ils croient à ces doctrines juste autant qu’on a coutume de les pratiquer. La masse des fidèles ne se sent pas empoignée par ces doctrines ; les cœurs ne sont point soumis à leur domination. On a un respect héréditaire pour les avoir entendu retentir, mais pas de conviction qui passe des mots aux actes qu’ils désignent et qui force l’âme à admettre ces actes et a les approprier aux formutes. »

Et pourtant il devait rester, dans l’humanité, des traces de la répétition de ces mêmes formules pendant des siècles, de l’adoption de ces mots, du retour sans cesse provoqué de ces pensées. À toutes les époques, il y a eu des âmes plus impressionnables, et ce n’est sans doute pas l’effet du hasard si précisément dans les pays chrétiens, enfin et seulement après 1 500 ans, alors que les formes et dogmes ecclésiastiques commençaient à décliner, surgit une organisation régulière des soins à donner aux pauvres, et si, dans ces mêmes contrées, se développa la pensée que la misère des masses est une honte pour l’humanité et qu’il faut à tout prix extirper ce fléau. On ne doit pas se laisser dérouter par ce fait que lorsque la puissance de l’Église était à son apogée, la pauvreté était pour ainsi dire artificiellement entretenue, afin que l’on