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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/512

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pût procéder à la cérémonie des distributions d’aumônes, et que les peuples n’ont jamais gémi sous un joug aussi lourd que sous celui des prêtres. On ne doit pas se laisser aveugler par la remarque que les dévots de profession ne savent que trop bien s’accommoder avec la morale et que ce sont très-souvent les libres penseurs, même les adversaires de l’Église existante, qui ont consacré toutes leurs pensées, toutes leurs actions à la cause de l’humanité opprimée, tandis que les serviteurs de l’Église sont assis à la table des riches et prêchent la résignation aux pauvres. Si l’on suppose que la morale du Nouveau Testament a exercé une influence profonde sur les peuples du monde chrétien, il ne s’ensuit nullement que cette influence doive se manifester précisément chez les personnes qui habituellement s’occupent le plus de la lettre de la doctrine. Nous avons vu avec Mill combien l’effet immédiat de ces mots est ordinairement faible sur les individus, particulièrement sur ceux qui, dès leur jeunesse, se sont familiarisés avec les sons de ces mots et se sont habitués à y rattacher certains sentiments solennels, sans jamais réfléchir sur leur portée ou sans ressentir le souffle de l’énergie qui leur était primitivement inhérente. Nous ne voulons pas ici entreprendre une enquête psychologique pour savoir s’il n’est pas peut-être plus vraisemblable que les idées traditionnelles agissent avec efficacité précisément là où leur simple transmission est entravée par des doutes, par une opposition partielle, par l’apparition de pensées nouvelles et hétérogènes seulement on doit constater que, précisément parce que ces paroles retentissent partout dans le monde chrétien et se transmettent, de génération en génération, leur sens véritable, leur énergie communicative peuvent tout aussi bien saisir un esprit, qui leur offre un nouveau terrain où elles pourront germer, qu’un autre esprit entré à pleines voiles dans les anciennes associations d’idées. En considérant l’ensemble, il est très-vraisemblable que les efforts violents, même révolutionnaires, tentés dans notre siècle pour transformer la so-