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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/539

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« maître du culte », qui, dans ses fonctions, est revêtu d’une certaine autorité.

Ici est donc admis un facteur de la religion chrétienne, laquelle « se survit ainsi à elle-même », et ce facteur est indubitablement des plus graves et des plus dangereux l’organisation d’un clergé et l’autorité des fonctions. Il est permis de se demander sérieusement si nous ne nous déciderions pas dans un sens tout opposé, en admettant que nous eussions le choix de conserver des doctrines insoutenables, des dogmes d’une obscurité mystique avec suppression de la hiérarchie, ou de nous charger à nouveau des chaînes de la hiérarchie, en proclamant des doctrines complètement rationalistes.

Les lois psychologiques qui rendent toute hiérarchie, tout clergé, placé au-dessus du peuple, avide de pouvoir et jaloux du maintien de son autorité, n’ont-elles pas leur fondement dans la nature humaine, ne sont-elles pas immuables et indépendantes des dogmes ? Et de fait, nous retrouvons cette conséquence inévitable non-seulement dans les grandes formes typiques de la hiérarchie tibétaine, de la hiérarchie du moyen âge et de celle de l’antique Égypte, mais encore, d’âpres les documents les plus récents de l’ethnographie, dans les plus petits groupes religieux des peuples les plus éloignés, chez les tribus nègres les plus abruties et dans les plus petites îles de l’Océan pacifique.

Si l’on espérait trouver protection contre ce danger dans une théorie rationaliste, il faudrait d’abord montrer d’où viendrait la puissance capable de contrebalancer l’ambition qui se glisse involontairement. Elle n’est guère l’effet d’études purement théoriques, et quoi que l’on puisse dire de la force purifiant de la vérité, on ne l’a encore vue nulle part à la hauteur d’une tâche semblable. Les réformateurs aussi croyaient avoir saisi toute la vérité et supprimé toute erreur, et cependant quelle ambition, quelle intolérance, quelle soif de persécution n’a-t-on pas vu surgir parmi les membres du clergé luthérien, jusqu’à ce que la prépondérance de l’État