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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/541

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et fécond. L’abîme qui sépare les idées de la masse d’avec celles des savants se rétrécira, l’indépendance de chaque citoyen, la possibilité de résister aux impostures et aux superstitions de toute espèce augmenteront, et les rapports de cet enseignement avec la religion deviendront nécessairement et insensiblement tels qu’ils existent déjà chez les savants, sans donner lieu à un conflit d’opinions quelconque. Plus cet enseignement sera distribué avec impartialité et au nom des faits sans aucune arrière-pensée de polémique, plus la conciliation sera facile entre les idées anciennes et les idées nouvelles. Maisune église ou une communauté religieuse quelconque ne peut en aucune façon traiter les questions avec autant de calme et d’impartialité. Elle donnera aux thèses à enseigner une consécration et une importance dont elles n’ont pas besoin, et plus elle s’attachera aux détails, plus elle dénaturera l’esprit de l’ensemble.

En général, pour répandre les connaissances théoriques et rationnelles, il n’est besoin d’aucune élévation d’âme. Elle n’est pas même utile, car c’est dans le plus grand calme d’un examen méthodique et froid que se rencontre le plus vite et le plus aisément la connaissance exacte. La vérité n’a pas besoin non plus d’une grande association internationale ; elle forme elle-même cette association et se fait jour à travers toutes les barrières sociales et géographiques.

Il n’en est pas de même de la moralité, de l’épuration ni de la direction des penchants dans l’intérêt général. Ici encore, l’enseignement simplement moral ne produira guère de disposition d’esprit à laquelle il faille des fanfares et des hymnes. Aux joies, aux souffrances, aux craintes, aux désirs et aux espérances de l’homme se rattache toute religion comme toute poésie, et si l’on rappelle souvent, au détriment de la religion, qu’elle est née de la crainte et de la cupidité, on peut répondre que la religion est précisément un terrain propre à épurer et à ennoblir la crainte et la cupidité. Mais il est très-douteux qu’il suffise à la religion, pour exercer