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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/566

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vie des pauvres) ; il montre la morale chrétienne sacrifiant la dignité et l’indépendance personnelles à une servilité abjecte envers le maître, dont on fait un Messie, un fils unique de Dieu ; cette critique-là a obtenu toute ma sympathie. »

On comprend, d’après cela, qu’Ueberweg ait fait de l’éthique une science purement physique et anthropologique. L’esquisse d’un système de morale, publiée par Rud. Reicke (Kœnigsberg, 1872), et extraite des manuscrits laissés par Ueberweg, se rapproche toutefois des systèmes qui reposent sur l’hypothèse d’un principe de morale donné a priori, en ce qu’Ueberweg fonde son éthique sur les différences de valeur existant entre les diverses fonctions psychiques. Il divise ces fonctions en deux classes principales : « Le plaisir et la douleur caractérisent ce qui est avantageux et ce qui est nuisible ; les sentiments d’estime et de honte déterminent la différence entre les fonctions inférieures et supérieures. » Mais s’il existe un pareil sentiment primitif de la différence entre les fonctions inférieures et les fonctions supérieures, il existe aussi une conscience naturelle et l’on sera vivement tenté d’examiner s’il ne serait pas possible d’établir une connexion entre la cause subjective de ce sentiment et un principe objectif.

Tandis que la mort arracha Ueberweg à ses travaux et à ses projets, David Frédéric Strauss eut le bonheur de remplir complètement la tâche de sa vie. D’après son propre témoignage, il a exprimé dans son dernier livre le dernier mot qu’il eût à adresser au monde. Or ce dernier mot est la reconnaissance d’une conception matérialiste de l’univers. Strauss fait remarquer, il est vrai, en s’appuyant sur Schopenhauer et sur l’ « auteur de l’Histoire du Matérialisme », que le matérialisme et l’idéalisme passent l’un dans l’autre et en forment, au fond, qu’une opposition commune contre le dualisme ; mais ce rapport ne saurait être conçu de telle sorte qu’il soit indifférent de partir de tel point ou de tel autre, ou que l’on puisse à volonté faire alterner le maté-