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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/599

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flexible, comme l’image d’un saint se change en idole, et la lutte naturelle entre la poésie et l’entendement dégénère facilement, sur le terrain de la foi religieuse, en antipathie pour tout ce qui est simplement exact, utile et convenable, et paraît, à notre époque, comprimer de toutes parts l’essor d’une âme libre. On sait tout le mal produit, dans mainte intelligence noblement douée, par le passage de l’idéologie aux excentricités romantiques et enfin à un pessimisme funeste. Personne ne peut blâmer les amis de la vérité et du progrès, quand ils témoignent de la défiance contre tout ce qui veut résister à l’entraînement général de notre époque vers la prose, principalement si à cette résistance se mêle une teinte cléricale. Car si, à l’époque des guerres de la délivrance (1813-1815), le romantisme semblait atteindre son but élevé, il est évident, d’autre part, que les tendances de notre époque vers les inventions, les découvertes, les améliorations politiques et sociales, ont à résoudre aujourd’hui des problèmes immenses, décisifs peut-être pour l’avenir de l’humanité tout entière, et il n’est pas douteux que tout le sang-froid d’un travail sérieux, le sentiment complet et sincère de la vérité d’une conscience critique sont nécessaires pour élaborer ces problèmes avec dignité et succès. Quand ensuite viendra le jour de la moisson, l’éclair du génie brillera de nouveau, lui qui forme un tout avec les atomes, sans savoir comment il s’y est pris.

Cependant il s’en faut de beaucoup que les antiques formes de la religion aient complètement disparu, et il arrivera difficilement que leur contenu idéal soit jamais rejeté tout entier comme l’on fait un citron dont on a exprimé le jus, avant que surgissent les nouvelles formes de l’idéalisme éthique. Les choses ne se passent point d’une manière aussi simple ni aussi nette dans la succession des opinions et des aspirations terrestres. Le culte d’Apollon et de Jupiter n’avait pas encore perdu toute importance, lorsque le christianisme fit irruption, et le catholicisme recélait encore en