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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/628

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36 [page 60]. Les vers connus « Dans l’intérieur de la nature ne pénétre aucun esprit créé ; heureux même celui à qui elle montre seulement son écorce extérieure ! » ces vers que Gœthe « maudissait indirectement »[1], il y a 60 ans, doivent être compris dans le sens de la philosophie de Leibnitz, suivant laquelle toute intuition sensorielle et par conséquent aussi toute notre image de la nature n’est que la représentation confuse d’une pensée divine et pure (ou d’une intuition intellectuelle, non sensorielle). D’après Kant, l’intérieur de la nature, dans le sens de la base transcendante des phénomènes, reste assurément fermé pour nous ; mais nous n’avons aucun intérêt à nous en préoccuper, alors que l’intérieur de la nature, dans le sens des sciences physiques et naturelles, reste accessible à un progrès, illimité de la connaissance.

37 [page 61]. Voir plus haut, note 25. — Relativement à Cohen[2], faisons encore remarquer ici qu’il ne suffit pas de défendre Kant, en disant que son système existera encore, alors que différentes catégories tomberont ou devront être déduites autrement. Il est parfaitement exact que le système repose sur la déduction transcendantale des catégories et non sur la métaphysique, c’est-à-dire que la véritable démonstration de Kant consiste en ce que ces concepts sont démontrés comme conditions de la possibilité de connaissances synthétiques a priori. On pourrait donc penser qu’il est indifférent que tel ou tel des concepts-souches soit éliminé par une analyse plus exacte, pourvu que l’on conserve le facteur constant (voir aussi note 34), qui sert de base à la synthèse a priori ; mais ici il est à remarquer que cette analyse, qui dépasse Kant, conduira très-vraisemblablement en même temps à une réduction (peut-être même à un complément) de la table des catégories, et que de la sorte tomberait assurément une prétention très-importante de Kant pour l’achèvement du système (prétention relative à l’exactitude absolue de sa table). Si l’on accentue trop le point de vue purement transcendantal, on aboutit comme nous l’avons dit à la tautologie, c’est-à-dire que l’expérience doit être expliquée par les conditions générales de toute expérience possible. Si la déduction transcendantale doit, au lieu de cette tautologie, donner un résultat synthétique, il faut nécessairement que les catégories soient encore quelque chose, outre qu’elles constituent des conditions de l’expérience. C’est ce qu’il faut chercher dans Kant, qui les appelle « concepts-souches de la raison pure », tandis que nous les avons remplacées ici par l’« organisation ». Précisément pour cela Kant devait s’efforcer de dé-

  1. Gedichte, Abtheilung Gott, Gemüth und Welt.
  2. Kant’s Theorie der Erfahrung, p. 207.