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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/68

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autre échelon, par rapport à un être plus profondément caché, comme phénomène. Mais la véritable essence des choses, le dernier fondement de tous les phénomènes nous sont inconnus en outre ces deux idées ne sont ni plus ni moins que le dernier produit d’une opposition déterminée par notre organisation, opposition dont nous ne pouvons dire si, en dehors de notre expérience, elle à une valeur quelconque.

Kant va jusqu’à nier que la question de l’essence des choses en soi ait le moindre intérêt, tant il s’accorde ici avec l’empirique qui, pour employer une expression de Czolbe, se contente du monde donné. « Ce que les choses en soi peuvent être, dit-il dans le chapitre de l’amphibologie des concepts de la réflexion, je ne le sais pas et n’ai pas non plus besoin de le savoir, parce que néanmoins une chose ne peut jamais m’apparaître autrement que dans le phénomène. » Et plus loin il déclare que « l’intérieur de la matière » ou la chose en soi, qui nous apparaît comme matière, est « une pure chimère ». Les plaintes relatives à l’impossibilité de voir l’intérieur des choses, — allusion manifeste à cette assertion de Haller qui choquait tellement Gœthe aussi, — sont, dit Kant, « tout à fait injustes et déraisonnables », car elles veulent que nous puissions connaître et même avoir une intuition sans le concours des sens. « Quant à l’intérieur de la nature, c’est-à-dire de la connexion régulière des phénomènes, on y pénètre par l’observation et l’analyse des phénomènes, et il est impossible de savoir jusqu’où cela ira avec le temps (36). »

Il en est des autres catégories comme de l’idée de causalité ; elles sont la base de toute notre expérience ; mais elles ne peuvent pas du tout nous faire dépasser le terrain de l’expérience possible ni s’appliquer à ces objets transcendants, sur l’étude desquels roulait l’ancienne métaphysique. Kant créa une nouvelle métaphysique en croyant pouvoir faire dériver avec certitude d’un seul principe tous les éléments a priori de notre pensée ; mais c’est là le côté faible