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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/67

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nommer « réel ». Les phénomènes sont ce que le sens commun appelle choses. Le philosophe appelle les choses phénomènes pour marquer qu’elles ne sont pas simplement quelque chose de situé extérieurement en face de moi, mais un produit des lois de mon esprit et de mes sens. Les mêmes lois me conduisent, d’après l’analogie des relations de cause à effet, telle que je l’ai journellement sous les yeux, dans les détails de l’expérience, à supposer aussi une cause à ce grand tout de l’univers qui s’offre à mes regards. Les recherches empiriques, guidées par l’idée de causalité, nous ont montré que le monde de l’oreille ne correspond pas au monde de l’œil, que le monde des conclusions logiques est tout autre que celui de l’intuition immédiate. Elles nous montrent que l’ensemble de notre monde de phénomènes dépend de nos organes ; et Kant aura eu le mérite durable d’avoir établi que nos catégories jouent en cela le même rôle que nos sens. Si maintenant l’étude complète du monde des phénomènes nous conduit à découvrir que lui aussi, dans son ensemble, est déterminé par notre organisation, nous devrons, en vertu de l’analogie, admettre que, même là où nous ne pouvons pas acquérir un nouvel organe, pour corriger et compléter les autres, une infinité de conceptions différentes est encore possible ; bien plus, finalement, tous ces modes de concevoir des êtres différemment organisés doivent avoir une source commune, mais inconnue, la chose en soi, par opposition aux choses des phénomènes : alors nous pouvons nous abandonner tranquillement à cette conception en tant qu’elle est une conséquence nécessaire de l’emploi de notre entendement, encore que ce même entendement, si nous continuons ces recherches, soit forcé de nous avouer qu’il a lui-même créé cette opposition. Nous ne trouvons partout que l’opposition empirique ordinaire entre le phénomène et l’être, laquelle, comme on le sait, présente à l’entendement des gradations infinies. Ce qui, sur tel échelon de spéculation, est un être, se montre à son tour sur un