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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/689

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déjà un nouveau processus psychique, dans lequel ce qui est conçu ne peut rester sans modification. Or, en général, la représentation de temps paraît ne se manifester que dans les images psychiques secondaires. Dans l’intuition simple, entière et spontanée, même d’objets en mouvement, comme par exemple de nuages qui passent, d’un fleuve qui coule, etc., je ne trouve pas la moindre conscience de temps. Mais, si l’on s’en tient au simple fait que, comme toujours, nous avons la représentation du temps, que, par conséquent, la représentation de temps est réellement en nous, le temps n’a, sous ce rapport, pas le moindre avantage sur l’espace, et il est impossible de porter, par analogie, aucun jugement sur d’autres êtres en général, mais seulement, ainsi que l’admettait Kant, sur d’autres êtres, qui sont comme nous façonnés pour la connaissance. — La démonstration d’Ueberweg touchant la réalité transcendante de l’espace à trois dimensions repose entièrement sur l’assertion qu’une connaissance mathématique des objets ne serait pas possible, comme elle l’est pour nous (par exemple en astronomie), si le nombre des dimensions du monde existant en soi ne concordait pas avec celui du monde des phénomènes. Que même, sans la réalisation de ces conditions, un ordre mathématique quelconque des phénomènes serait possible, c’est ce que Ueberwg ne nie pas du tout. Mais jusqu’à quel point le monde est-il donc intelligible pour nous ? L’astronomie n’est qu’un cas spécial qui, dans d’autres conditions, pourrait être remplacé par autre chose. Au reste, nous manquons de tout critérium absolu sur ce que l’un pourrait en général exiger pour cette intelligibilité du monde, et déjà pour cette raison le point de vue d’Ueberweg aboutit à une pétition de principe cachée.

65 [page 462]. Les assertions énoncées ici sur la possibilité des représentations de l’espace avec plus ou moins de trois dimensions, sont empruntées sans modifications à la première édition ; elles sont donc antérieures aux spéculations « métamathématiques » connues de Helmholtz et de Riemann, lesquelles, depuis ce temps-là, ont fait tant de sensation. Ainsi, pour éviter toute confusion de théories il faut d’abord faire observer que dans le texte il n’est question que de la possibilité de conception d’espace ou de quelque chose d’analogue à l’espace, ayant plus ou moins de trois dimensions ; nous disons de quelque chose d’analogue, par rapport aux intuitions d’un espace à plus de trois dimensions pour lesquelles assurément nous ne pouvons trouver aucune analogie dans ce que nous appelons l’espace. Nous pourrions donc décliner le blâme sévère que dernièrement Lotze a exprimé[1] contre l’abus de l’idée d’espace pour des « récréations

  1. Logik, p. 217, Leipzig, 1871.