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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/102

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BOILEAU.

si plat métier. Le grand Corneille obscurcissait parfois son grand et droit sens de la vie, sa sûre et vive science des caractères, par l’ambition de faire grand ou fin, et par condescendance pour le goût d’un public à qui la nature ne suffisait pas encore.

Seul Pascal n’avait pas écrit une ligne qui ne fût pour la vérité et selon la nature. Il avait mis la sincérité absolue dans sa pensée, la simplicité absolue dans son style. À propos d’une querelle de théologien, il avait montré ce qu’on n’avait jamais vu jusque-là, ni presque encore désiré en français : le parfait naturel produisant la suprême éloquence, sans effort et sans artifice. C’était bien par là le seul écrivain raisonnable de notre langue, et voilà pourquoi Boileau mettait ce moderne-là au-dessus de tous les anciens.

Et ces grands écrivains que Boileau groupait autour de lui après 1660, ces hommes de génie si dissemblable ont tous ceci de commun, qu’ils respectent la nature, l’expriment comme ils la sentent et la voient, en eux et hors d’eux, que jamais ils ne la refont ni ne la contrefont : sincères et simples comme Pascal, et grands d’une semblable grandeur. Molière, le premier, renonçait aux bouffonneries fantastiques et aux énormes charges où la comédie s’était d’abord arrêtée : plus de parasites, ni de matamores, mais des êtres réels, vivants, que le spectateur a rencontrés plus d’une fois dans la vie, qui sont autour de lui, qui sont lui parfois. Jusque dans le jeu des acteurs, il bannit l’outrance, et met