On ne saurait être plus classique, et voilà justement la leçon que Boileau donnait aux fantaisistes de son temps. La réalité détermine et limite la conception poétique, et dans cette doctrine, comme dans tout art naturaliste, l’imagination n’est qu’une opération de synthèse qui rétablit en formes concrètes et vivantes les réalités dissoutes et détruites par l’analyse.
En réduisant la raison au respect de la nature, Boileau ne perd pas de vue, autant qu’il semble, le sens ordinaire et familier du mot. Car l’imagination est chose essentiellement subjective et variable : elle ne reçoit loi ni mesure ; c’est l’ennemie de la raison, dont l’objet est l’universel. Au contraire, la raison, en art, en poésie, ne fait qu’un avec la nature. Car la nature n’est-elle pas la source unique et commune des sentiments et des idées, présente à tous, et la même pour tous, dont tous ont également la sensation et l’intuition ? La nature a ce privilège que le sentiment que nous en avons dépasse infiniment notre expérience. Nous savons si la copie ressemble, sans avoir vu l’original. Boileau dit :
Mais la nature est vraie, et d’abord on le sent.