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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/108

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BOILEAU.

Ces deux équivalents, raison et nature, sont équivalents à un troisième terme, antiquité.

Ainsi se termine le mouvement qui avait commencé avec Ronsard, et cette idolâtrie de l’antiquité, qui avait corrompu notre poésie au siècle précédent, achève de se transformer chez Boileau en un principe rationnel. De l’amour de la nature, le respect de l’antiquité tire à la fois son meilleur sens et sa plus salutaire vertu. Mais, ainsi compris, ce respect de l’antiquité n’est plus un préjugé tyrannique : il laisse une pleine indépendance à l’intelligence et au goût ; et il en sera de la critique comme de la théologie qui n’a pas le droit de toucher au texte sacré, mais se permet, à l’occasion, pour en éluder le sens, toutes les subtilités et toutes les fantaisies d’interprétation. Car voici ce qui arrive nécessairement : si ni la raison ni la nature ne varient pour l’essentiel, et si les anciens valent parce qu’ils ont admirablement rendu la nature, l’homme du xviie siècle, pourvu de la même raison, recherchera dans les anciens la même nature qu’il sent en lui, qu’il voit autour de lui. Il l’y retrouvera parce qu’il l’y recherche, et parce qu’il ne regarde pas ou retranche de son impression tout ce qui n’est pas sa nature à lui. En d’autres termes, il se fera une antiquité à son image, sans y penser, et dès lors l’admiration qu’il a pour elle ne le gênera plus : elle le guidera à la satisfaction de ses propres instincts et de son goût original. Avec la dévotion la plus ardente, il garde toute la liberté de son esprit, et il exprime ce qu’il