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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/109

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

a en lui, lorsqu’il semble traduire ce qui était chez les anciens. Ce caractère est sensible dans la poésie de Racine, et dans toute la littérature du siècle.

L’imitation n’est donc, en somme, pour Boileau, qu’un moyen de faire plus vrai ; et, quand il propose sans cesse les anciens pour modèles, il ne perd pas pour cela le droit d’écrire :

Que la nature donc soit votre étude unique.

Mais la nature est vaste, infinie en tous sens, effrayante de complexité, autant que d’immensité. Quelle est donc la nature qu’il faut exprimer ? Tout ce qui est dans la nature peut-il être dans l’art ? Il semble bien parfois que Boileau n’ait pas reculé devant la plus large interprétation de la formule naturaliste :

Un esprit né chagrin plaît par son chagrin même.


Si ce vers et tout le contexte ont un sens, il faut entendre que tout ce qui est a sa grâce du fait de son existence, et que toute nature plaît, parce qu’elle est la nature. Toute réalité dégage un charme naturel, qu’il ne tient qu’à l’art d’exprimer. L’horrible y a sa place, ainsi que le beau :

Il n’est pas de serpent ni de monstre odieux
Qui, par l’art imité, ne puisse plaire aux yeux.


C’était une observation d’Aristote que Boileau s’approprie et qui s’ajuste très bien à sa doctrine. L’artiste n’est pas condamné à tronquer la nature ni à