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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/127

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

le modèle ne peut être dans la nature ; et s’il ne faut pas choisir pour les exprimer les choses trop particulières, encore, quand on les choisit, n’a-t-on d’excuse que si on les rend avec intensité dans leur caractéristique particularité.

Puis, comment le lecteur sentira-t-il la réalité des objets qu’on lui met sous les yeux, si on ne leur conserve pas l’aspect qu’il est accoutumé de voir ? Il faut lui montrer son idée du Romain et son idée du Français, si on veut qu’il reconnaisse des Romains et des Français, et de plus des hommes sous ces deux apparences. Mais ceci nous amène à la théorie de la vraisemblance, qui joue un rôle considérable dans l’ensemble de la doctrine de Boileau, et qui ne laisse pas d’en être une partie délicate et dangereuse.

Jusqu’ici l’on a examiné ce que l’écrivain doit mettre dans son ouvrage, et quelle nature il doit imiter. Mais comment doit-il imiter ? quelles sont les lois, les conditions de son travail ? y en a-t-il d’autres que par rapport au modèle, et que la nécessité de l’exprimer fidèlement ? Une des erreurs les plus communes dans les écoles réalistes et naturalistes, c’est de croire qu’il suffit de voir, et de rendre ce qu’on a vu, sans se soucier d’autre chose. Tant pis pour le public, pour ce « tas de bourgeois », s’il ne comprend pas. Puisqu’on lui dit que « c’est nature », qu’attend-il pour applaudir et admirer ? Boileau n’en est pas là. La nature est « vraie » et se fait « sentir » à tout le monde : mais