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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/139

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

public cinq grands actes d’une admirable prose, à laquelle on fut cent cinquante ans à revenir ? Au contraire, qu’est-ce que le vers dans une fable, ou dans un poème didactique, genre dont Boileau n’a pas parlé non plus, malgré les raisons personnelles qu’il eût pu avoir de le faire ? Le vers, dans les deux genres, n’est qu’un ornement, et si peu nécessaire que Patru conseillait et à La Fontaine et à Boileau de n’en pas user. Ils firent bien tous les deux de ne pas l’écouter : mais cela doit nous aider à ne pas calomnier son silence, d’autant qu’il n’a pas été plus complaisant pour lui-même que pour son ami.

Des préceptes qui ont rapport aux genres, les uns sont purement formels, et se rattachent ainsi à la versification ; ce sont les conventions qui lient et soutiennent les genres, et limitent la liberté du poète dans le choix ou la disposition des mètres, et dans les dimensions et proportions de l’œuvre. Plus la forme d’un poème est fixe, et plus le poète doit être sévère sur la facture : ainsi dans la ballade et dans le sonnet, dont Boileau, en artiste curieux des formes raffinées et difficiles, s’arrête un peu complaisamment à détailler les rigoureuses lois. Il semble même que ce sage esprit pousse un peu bien loin l’enthousiasme, quand il écrit ce vers :

Un sonnet sans défauts vaut seul un long poème.


Il n’a pas la simplicité de donner un sonnet de Gombauld pour égal à l’Énéide. Mais il a voulu enseigner aux écrivains qu’en poésie la forme seule peut