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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/142

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BOILEAU.

trop poli de son temps. Il est possible que ce réaliste, qui fut si peu psychologue, n’ait pas senti ce qu’il y a de vérité profonde, d’humanité vivante dans les farces de Molière. Il n’y a vu que des charges fantaisistes, d’arbitraires caprices de gaieté exubérante, ne se doutant pas que le trait plus appuyé n’était pas moins juste, et que le rire plus éclatant enveloppait une observation plus triste. Tel sujet, Dandin ou le Malade, ne peut rester une comédie qu’à la condition de devenir une farce ; il faut pousser jusqu’à la bouffonnerie, si l’on ne veut que le drame déborde. Puis Boileau, qui n’avait pas du tout l’imagination dramatique, est tombé dans la même erreur que La Bruyère, qui oppose son Onuphre à Tartufe, sans s’apercevoir que la vérité théâtrale n’est pas celle du livre, et que la scène a ses conditions et comme son optique particulières, qui obligent à faire une copie inexacte de la nature pour en donner la sensation vraie. Enfin, quand il s’autorise du Misanthrope pour condamner Scapin, c’était le cas de se rappeler

Qu’un sonnet sans défauts vaut seul un long poème.


La comédie de caractère est supérieure à la farce, mais, en son genre, Scapin vaut Alceste, et comme disait Diderot, il ne faut pas moins de génie pour écrire Pourceaugnac que Tartufe. Boileau resserre par trop les bornes de la comédie ; il l’appauvrit pour l’élever ; et lui demandant trop de noblesse, de finesse, de décence, il lui interdit cette franchise de